La chaîne « computer audio »

On aura compris qu’en 2019, «écouter un enregistrement», cela consiste en pratique à lire un fichier informatique. Il s’agit d’amener, d’une manière ou d’une autre, les données du fichier informatique à l’entrée d’un DAC (= convertisseur). C’est ce «d’une manière ou d’une autre» qui peut prendre des formes tellement différentes et qui occasionne la profusion d’appareils à disposition, profusion telle qu’il est devenu difficile de s’y retrouver. Allons-y par étapes.

Chaîne «de base», autour de l’USB

Pour bien comprendre la base, commençons par la chaîne la plus simple :

Chaine 2019 niveau 1

  • Les fichiers de musique sont stockés sur un disque dur relié à l’ordinateur en USB.
  • L’ordinateur, à l’aide d’un logiciel, lit ces fichiers et les envoie au DAC via une liaison USB.
  • L’appareil que j’appelle maintenant DAC 1 contient un étage «préampli» avec réglage de volume. C’est pourquoi on peut le relier directement à un ampli de puissance auquel seront reliés les haut-parleurs.
  • On trouve dans le commerce des haut-parleurs actifs. Ce sont des haut-parleurs qui contiennent eux-mêmes un étage de puissance. Ils pourraient donc être reliés directement à la sortie du DAC.

Dans une telle configuration, l’ordinateur doit être physiquement près du DAC, donc plus près de la chaîne et des haut-parleurs que de la position d’écoute. Ce n’est pas forcément très pratique. On peut donc envisager de le piloter par wifi depuis un autre ordinateur ou une tablette. Du coup, il n’est plus nécessaire d’avoir dans la chaîne un ordinateur avec écran, une unité centrale “faceless” fera l’affaire. La chaîne ressemble alors à ceci :

Chaine 2019 niveau 2

C’est cette configuration que j’ai utilisée jusqu’en août 2017. Quelques remarques :

  • L’USB est une interface qui n’a jamais été conçue pour transmettre des flux de données audio et surtout pas avec une qualité audiophile. Elle a deux défauts principaux :
    • elle transporte également du courant électrique pour l’alimentation des périphériques (clavier, souris, petits disques durs, etc.) Ce courant électrique a tendance à polluer le signal audio.
    • elle est incapable de transporter les bits avec une précision temporelle rigoureuse (le clocking, en anglais).
  • Pour surmonter ces défauts, toutes sortes d’artifices ont été — et sont encore — utilisés :
    • des câbles sophistiqués 2, blindés — et donc coûteux ;
    • des circuits électroniques sophistiqués et même des appareils dédiés à réaliser l’isolation galvanique entre l’appareil en amont et l’appareil en aval de la liaison ;
    • des circuits électroniques et des logiciels pour améliorer le timing des signaux — liaisons asynchrones, etc.
  • Un câble USB ne doit pas être plus long, raisonnablement, que trois mètres. Ce qui impose la présence de l’ordinateur à proximité de la chaîne hifi. C’est une source de pollution sonore et électromagnétique, même minimalement.
  • À cause de ces défauts, certains fabriquants ont carrément renoncé à incorporer une entrée USB à leurs DAC haut de gamme, privilégiant des entrées plus «hifi» : S/PDIF (symétrique, coaxiale ou optique). Cela leur permet aussi de se passer du coût d’une telle entrée, car, si elle doit être de qualité, elle est forcément coûteuse — on parle de 500 à 1’000 dollars ; pour un appareil autour de 5’000 dollars, c’est significatif.
  • Il y a une «grosse prise de tête» autour des logiciels permettant de piloter valablement la sortie USB : Amarra, Audirvana, JRiver, PureMusic et j’en passe, iTunes n’étant carrément pas à la hauteur.

On peut s’affranchir de ces problèmes en se passant de l’USB. Comment ? Eh bien en utilisant le réseau ethernet !

La chaîne autour de l’ethernet

Chaine 2019 niveau 3

  • On n’utilise plus du tout l’USB en sortie de l’ordinateur.
  • L’ordinateur peut aller chercher les fichiers à jouer (à écouter) indifféremment
    • sur un disque dur qui lui est relié
    • sur un serveur qui se trouve sur le même réseau
    • sur Internet, via des services de streaming — Qobuz, Tidal, iTunes Music, etc.
  • Pour arriver à un DAC qui ne comporte pas d’interface ethernet, il faut passer par un appareil — un network bridge — qui fait le pont, justement, entre ethernet et audionumérique. En sortie, cet appareil peut avoir de l’USB — ce qui n’est pas la meilleure solution, comme nous venons de le voir — ou du S/PDIF, ce qui est un standard audiophile.
  • Le plus grand intérêt de cette configuration, c’est sa souplesse :
    • l’ordinateur peut être mis dans une autre pièce que la chaîne hifi, ce qui dépolue cette pièce de tout bruit ;
    • le NAS, aussi, s’il y en a un, peut être mis dans une autre pièce ;
    • on peut facilement brancher d’autres network bridges dans d’autres pièces et avoir ainsi ce qu’on appelle du multiroom : on peut écouter de la musique dans différentes pièces, provenant de la même bibliothèque musicale ou bien en accédant à Internet.

Et la qualité sonore ? N’étant pas ingénieur, je ne saurais vous donner le moindre argument technique. Ce que je peux dire :

  • C’est cette solution ethernet qui est adoptée par tous, absolument tous les fabriquants de hifi, depuis le bas et le moyen de gamme jusqu’au high-end, y compris le high-end «ésotérique».
  • Dans le monde professionnel aussi, à la production, les appareils sont reliés par ethernet.
  • Je ne sais pas s’il y a de vraies raisons techniques qui feraient que les interfaces ethernet soient intrinsèquement meilleures que l’USB pour le son. Peut-être y en a-t-il, peut-être n’y en a-t-il pas. Peut-être que les ingénieurs ont simplement énormément plus travaillé, depuis une dizaine d’année, à perfectionner ces interfaces, tout en délaissant complètement l’USB. Toujours est-il qu’aujourd’hui, c’est un fait : c’est par ethernet qu’il faut passer pour avoir la meilleure qualité sonore ! 3

Sans ordinateur

Il est tout à fait possible de faire tourner un logiciel de lecture de fichiers sur un NAS ou dans le network bridge. Dès lors, la présence d’un ordinateur dans la chaîne n’est plus strictement nécessaire ! Il existe en effet des configurations sans «ordinateur personnel»

Chaine 2019 niveau 4

Dans une telle configuration, la présence de l’ordinateur n’est pas nécessaire à la lecture musicale, mais il peut toujours servir pour configurer ou télécommander les appareils, ainsi que pour copier des fichiers sur le NAS et éditer leurs métadonnées.

Le 27 avril 2019

logo Olivier Spinnler


  1. En toute rigueur, le vrai DAC, c’est juste le premier étage dans cet appareil, l’étage qui fait la conversion des signaux numériques en analogique. 
  2. En séparant, par exemple, dans deux brins différents, le signal d’une part et le courant d’alimentation d’autre part. 
  3. Je sous-entends, bien évidemment, «en restant dans des prix raisonnables». Si j’en crois les revues “high-end” et le simple fait que ces appareils existent, il reste la possibilité de gagner un petit quelque chose en écoutant un SACD sur un drive à 20, 30 ou 40’000 dollars — oui un drive, pas un DAC ! Cela vaut-il vraiment la peine d’en parler ? D’autant plus que dans quelques années même les fabriquants de ce genre d’appareil n’auront plus à disposition les mécaniques pour les fabriquer.