iTunes, le logiciel d’Apple, n’a pas vraiment bonne presse auprès des audiophiles. Je dirais même qu’il est souvent méprisé. À tort, à mon avis. Je ne dis pas qu’il est parfait, loin de là. Mais si l’on sait l’utiliser pour ce qu’il sait bien faire, on découvre qu’il a d’indiscutables qualités. Suivez-moi dans l’exploration des usages avancés d’iTunes.
Remarque: iTunes, au fil de ses versions, a subi quelques métamorphoses, tout en conservant — heureusement! — les fonctions utiles à l’audiophile. Inévitablement, l’apparence de certains écrans et boîtes de dialogue a changé. Vous ne m’en voudrez pas d’utiliser pour cet article la version 11. Si vous utilisez une version plus ancienne ou plus récente, vous devriez tout de même vous y retrouver et pouvoir transposer à votre version les informations présentées.
Les reproches faits à iTunes
Piètre lecteur
C’est une chose acquise: si l’on écoute sa musique avec iTunes, on est loin, très loin du nec plus ultra sonore! Mais qu’importe, il suffit de considérer iTunes comme un gestionnaire de bibliothèque et d’utiliser pour l’écoute elle-même l’un ou l’autre logiciel spécialisé. Je tiens tout de même à dire qu’iTunes, au fil des versions, s’est bien amélioré et qu’aujourd’hui, il n’est pas si horrible que cela à écouter. Simplement, si l’on est vraiment audiophile, si l’on cherche vraiment la meilleure écoute possible, on ne saurait s’en contenter comme lecteur et il vaut mieux utiliser un logiciel dédié. C’est en tant que gestionnaire de bibliothèque qu’iTunes n’a pas son pareil et c’est en tant que tel qu’il convient de l’utiliser.
On peut en dire autant des capacités d’iTunes pour ripper les CD: il fait un travail fort convenable, mais l’audiophile ne saurait s’en contenter. Si l’on souhaite extraire avec sécurité la musique de ses CD, on utilisera avec profit des logiciels dédiés. Voir cette page à ce sujet.
Usine à gaz, boutique, etc.
C’est vrai, iTunes sert à beaucoup de choses:
- gérer la bibliothèque musicale + la bibliothèque vidéo + la bibliothèque des podcasts + la bibliothèque d’ibooks.
- gérer le contenu des iDevices (iPods, iPhones, iPads).
- mettre à jour les iDevices.
- accéder aux boutiques d’applications des iDevices, les App Stores.
- accéder à la boutique iTunes, la très (trop?) fameuse iTunes store.
En ce qui me concerne, je ne vois pas cela comme un problème. Sur mon serveur de musique, je passe mon temps dans la partie «gestion de la bibliothèque des morceaux» et j’ignore totalement le reste. Alors que ce «reste» soit là ou pas, je n’en ai cure!
Trop compliqué, pas intuitif
C’est un peu ironique de faire ce genre de reproche à un logiciel Mac, à un logiciel Apple. Mais je reconnais volontiers qu’il y a du vrai: à force de vouloir faire simplement des choses complexes, à force de vouloir à tout prix cacher à l’utilisateur la complexité des opérations, les ingénieurs d’Apple on perdu l’«intuitif» en route, on ose le dire. Il est vrai qu’on n’est pas toujours certain que le logiciel fasse exactement ce que l’on suppose qu’il serait sensé faire… C’est pourquoi j’écris cet article! Je souhaite qu’il vous sera utile.
Vue globale sur la musique
Voici la vue que j’utilise pour la gestion générale de ma bibliothèque, en particulier lorsque j’édite les métadonnées.
- Sur ce “popup menu”, on choisit “Music”. À partir de là, tout ce qui ne concerne pas la bibliothèque musicale disparaît d’iTunes. Comme je le signalais plus haut. L’aspect «usine à gaz» d’iTunes disparaît.
- C’est l’écran “Songs” qui permet d’avoir une vue tabulaire telle qu’on l’a toujours connue dans les versions antérieures d’iTunes. Cette vue est la plus pratique pour vraiment voir sa bibliothèque, en particulier quand il s’agit d’une bibliothèque de musique classique ou d’une bibliothèque avec plus de 25’000 morceaux. Les vues “Albums”, “Artists”, “Composers” et “Genres” ne me sont absolument d’aucune utilité! Quand à la vue “Playlists”, j’en parlerai très en détail lorsque j’aborderai les listes intelligentes.
- Ce sont bien les œuvres que je veux voir, bien séparées. Pour ce faire, il faut forcer l’affichage des “Artworks”, comme on le voit sur les réglages de la vue, obtenus par [Cmd – J]. La colonne de gauche affiche alors bien les œuvres et les mouvements apparaissent dans la colonne “Name”.
- J’ai fait une sélection sur la chaîne de caractères “bach”, ce qui filtre la bibliothèque. Je ferai aussi un petit tutorial sur la sélection des morceaux.
Listes de lecture intelligentes
iTunes est très fort et très pratique pour la gestion de la librairie et pour l’édition des métadonnées. Mais c’est surtout les listes intelligentes qui constituent, pour moi, le point fort d’iTunes. Voici ce qu’elles me permettent et comment je les utilise. Un aperçu de ma fenêtre «Playlists» vous donne une idée de mon setup.
- En fonction des moments de la journée — réveil, matin, soirée — et en fonction de ce que je suis en train de faire, je choisi ma musique dans des sous-ensembles de la bibliothèque:
- musique classique (Bach, Vivaldi, Haydn, Mozart, etc.) ou musique romantique (de Beethoven à Prokofiev, en passant par Brahms, Bruckner et l’école russe)
- musique de chambre ou musique symphonique, y compris la musique de film
- jazz
- piano et quatuor à cordes
- jazz, musique de film, avec ou sans paroles
- Je tiens à ce qu’il y ait une bonne rotation des morceaux, je tiens à tout entendre de ma bibliothèque, plus ou moins uniformément, même si j’ai aussi de «grandes préférences». Pour cela, je laisse iTunes sélectionner aléatoirement parmi «les morceaux non écoutés depuis au moins 100 jours».
- Il y a des morceaux que j’exclus des choix aléatoires soit parce qu’ils ne sont pas assez bons, soit parce qu’au contraire, ce sont des monuments de la musique et qu’il ne faut les écouter qu’avec une grande concentration, sans faire autre chose.
C’est justement tout cela que permettent les listes intelligentes (“Smart lists” en anglais). Couplées à une autre astuce, qui est l’utilisation de “Tags”. Suivez-moi.
Tags
Nota bene
J’utilise ici le mot «tag» dans son vrai sens informatique. Malheureusement — je n’ai d’ailleurs aucune idée pourquoi — dans l’univers de la musique numérique, le mot “tag” a été perverti. Dans toutes les bases de données, les informations sont organisées en «enregistrements» (“records” en anglais) et en «champs» (“fields” en anglais). Les “tags” («étiquettes» en français) sont, en vérité, une variété particulière de métadonnées que l’on utilise pour catégoriser les enregistrements. Grâce à elles, on peut attribuer un objet à plusieurs catégorie différentes: par exemple, un film peut être à la fois «aventure», «comique» et «policier». De même, un morceau de musique peut être à la fois «musique de chambre», «ballade», «pour la soirée», «pour le matin». Le champ «genre», à lui tout seul, ne permet pas ce genre de subtilité.
Que cela soit dit une fois pour toute: appeler «tags» les champs qui enregistrent le titre ou le genre de l’œuvre, le nom du compositeur ou le nom des interprètes, c’est une aberration de langage. Est-ce que cela vient du format MP3? Ou bien des premiers logiciels qui servaient à écouter de la musique sur PC? Je n’en sais rien. Mais ce qui est sûr c’est que cette erreur originelle perdure. Alors il faut le savoir, une fois pour toute: quand vous lisez tag dans vos logiciels de musique, c’est en fait d’un “champ” (field) de métadonnées qu’il s’agit.
Dans iTunes
À la base, iTunes ne prévoit pas un champ pour des vrais tags. Il faut donc en détourner un. Une possibilité utilisée par un certain nombre de personnes, c’est d’utiliser le champ “Grouping”. D’un côté, il y a une certaine logique. Et d’autre part, ce champ n’est pas autrement utilisé dans la gestion de la bibliothèque. 1 Voici à quoi ressemblent alors des vrais Tags dans ce champ:
Rien de difficile à comprendre: les tags se trouvent entre les caractères “\<” et “>”. Pour qu’ils fonctionnent bien, il faut évidemment une certaine autodiscipline: par exemple, toujours au singulier. «Soirée» ne sera pas équivalent à «Soirées».
Pour me simplifier la vie, j’utilise un logiciel fort pratique: Quick Tag. C’est un «vieux coucou», qui n’est plus maintenu par son créateur, mais qui fonctionne toujours. Je croise les doigts pour que ça dure. Quand il ne fonctionnera plus, soit on aura la chance d’en avoir un autre, soit il faudra écrire «à la main» les tags, ce que je suis prêt à faire, tellement c’est pratique!
Passons à la mise en œuvre des listes intelligentes.
La liste «Sélection musicale»
Dans ma phonothèque numérique, il y a aussi bien de la musique proprement dite que des interviews, des extraits de répétitions, des pistes techniques (démagnétisation, signaux sinusoïdaux, etc.) et même quelques sonneries de téléphone. Il s’agit donc de commencer par «séparer le bon grain de l’ivraie». C’est le rôle de cette première «Smartlist»; comme elle est assez longue, je vous la présente en deux écrans:
Voici comment elle fonctionne:
- Tout le début, ce sont les critères d’exclusion, assez facile à comprendre pour la plupart. Ces critères utilisent justement les tags que je note dans le champ “Grouping”, comme vous pouvez le constater. J’expliquerai ailleurs les tags eux-mêmes.
- La partie “Any of” fait une sélection des genres musicaux que je prends en considération pour le reste de mon setup qui sert à choisir aléatoirement des morceaux parmi la musique «écoutable».
Il est facile de constituer une telle liste. Il suffit d’appuyer sur le bouton [+] pour ajouter des lignes avec des critères. Et pour créer la ligne “Any of” il faut appuyer sur le même bouton [+], mais en maintenant enfoncée la touche [Alt] du clavier. Rien que pour cette astuce, je suis sûr que vous ne regretterez pas de vous être plongé dans la lecture de cette page! 😉
Pour vous donner une idée, cette liste restreint à environ 18’000 morceaux ma phonothèque qui en compte environ 28’000 (au 23.03.2014).
Quelques listes simples
Une fois que la «sélection musicale» est faite, qui exclu par exemple les interprétations que je qualifie de «pénibles», je peux procéder à une sélection de «musique de chambre ou quatuor à corde». Voici:
Autre exemple de liste «simple», celle qui sélectionne la musique en «haute définition», c’est-à-dire avec un débit supérieur aux 1411 kbps (kilo-bits-par-seconde) du CD:
Une liste sophistiquée
Voici une liste quelque peu plus élaborée que les précédentes. Si vous m’avez suivi jusqu’ici, vous n’aurez aucune peine à comprendre comment elle fonctionne.
Ligne par ligne:
- sélectionnons tous les morceaux qui contiennent le tag
<Matin>
; - qui n’ont pas été écoutés lors des 100 derniers jours;
- qui font partie de la «Sélection musicale» (cf. ci-dessus);
- qui n’ont pas le tag
<Mono>
; - qui n’ont pas encore été écoutés 2 fois.
Les explications «en français» sont les suivantes:
- Je choisis des morceaux dans la «Sélection musicale» afin d’éviter tous les morceaux dont les interprétations ne m’ont pas convaincues — ils sont taggés
<Bof>
ou<Pénible>
; cela laisse de côté tous les morceaux<Loud>
(cf. Loudness war) et certains morceaux que j’ai taggés<Skip>
, parce que justement je ne veux pas les écouter lors de l’écoute en mode «général» — par exemple, les prises alternatives de certains morceaux de jazz, qui sont intéressantes historiquement, mais pas forcément musicalement. En d’autres termes, je ne prends que la crème de la crème. - Je ne prends que les morceaux en stéréo. Toujours l’idée de la crème de la crème.
- Le critère des 100 jours, c’est évidemment pour ne pas entendre le même morceau deux fois à intervalle trop rapproché. Je fais pareil avec l’iPod que j’écoute en ballade ou en voiture.
- Quand au critère «pas encore écouté 2 fois», il peut paraître restrictif. L’explication, c’est que je tiens à écouter les morceaux ajoutés récemment à la phonothèque. Si j’attendais qu’iTunes me les propose, au milieu des autres, je pourrais attendre longtemps! Déjà comme ça, ça prend de nombreuses semaines, avant qu’apparaissent les nouveaux morceaux… Je fais ainsi, aussi parce que j’ai l’impression que l’algorithme de tirage aléatoire d’iTunes a tendance à favoriser les morceaux écoutés plusieurs fois — selon la logique que ce seraient les morceaux «préférés» —, ce qui a tendance à augmenter encore l’écart entre les morceaux «souvent écoutés» et les morceaux «rarement écoutés». 2 Ce n’est pas ce que je souhaite, alors je «force un peu» l’écoute des morceaux moins écoutés. Quand la liste sera trop réduite, alors j’augmenterai à 3 le critère, ce qui fera «repartir pour un tour» l’écoute de tous les morceaux.
Remarque sur le tag <Matin>
Je profite de cette occasion pour vous montrer l’intérêt des tags. Dans le cas présent, l’idée est de choisir des morceaux qui conviennent au matin, tandis que nous petit-déjeunons, mon épouse et moi-même. Alors ces morceaux peuvent être de la musique de chambre — mais pas n’importe quoi —, des quatuors à cordes — mais pas tous —, des morceaux de piano — pas n’importe lesquels —, du jazz tranquille et même certains morceaux de musique de film, etc. Il est évident que le seul critère du «genre musical» est très insuffisant. C’est beaucoup plus simple de taguer les morceaux acceptables, quels que soit leur genre. J’écrirai ultérieurement une page dédiée aux tags, pour illustrer encore mieux le propos et donner quelques idées créatives.
Le 18 février 2017
- J’ai lu quelque part que la boutique iTunes (l’iTunes Store) utiliserait parfois ce champ pour regrouper les mouvements d’une œuvre classique, quand il y a plusieurs œuvres dans un même album. Je ne peux confirmer ce fait, puisque je n’achète pas de musique dans cette boutique. Pourquoi donc? Eh bien parce qu’il est exclu que j’achète de la musique en qualité inférieure à la qualité CD! Non mais! ↩
- Je n’ai aucune certitude par rapport à ce que j’avance ici. Nul ne sait exactement comment fonctionnent les algorithmes de tirage aléatoire d’iTunes, en dehors des ingénieurs de chez Apple. D’ailleurs, ils peuvent changer sans prévenir, au fil des versions. Il y a quelques années, il y avait dans les préférences la possibilité de demander à ce que la variété des compositeurs soit préférée, ou bien qu’au contraire, iTunes favorise un peu le même compositeur que celui choisi en premier. Cette option a disparu sans prévenir. Du coup, on peut faire toutes les suppositions sur les algorithmes et leur logique. ↩