Comment ripper ses CD

Pour mettre en œuvre un serveur de musique, il faut commencer, bien évidemment, par transférer de la musique sur un disque dur. Généralement, on commence par ses CD. C’est cette opération de transfert d’un CD audio vers un stockage informatique que l’on appelle «rippage». Le verbe est «ripper». Ce n’est pas du bon français, c’est du calque de l’anglais (to rip), nous sommes bien d’accord. Mais ce sont néanmoins les meilleurs mots; ils sont aujourd’hui consacrés par l’usage.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas une opération triviale. Pourquoi? À cause du format des données sur un CD audio, qui n’a rien à voir avec un format «normal» de fichiers informatiques. La discussion détaillée du problème dépasse largement mes compétences techniques. Voici ce que j’en sais:

  • Les données gravées sur un CD audio représentent un flux de bits qui sont destinés à aller vers le DAC du lecteur 1 avec un débit aussi régulier que possible.
  • Intercallées au milieu des données «audio» se trouvent des données servant à la correction des erreurs de lecture. Car, surtout à l’époque de la sortie commerciale de cette technologie, ni la gravure des disques ni leur lecture ne pouvaient assurer l’intégrité à 100% des données. Aujourd’hui, les choses se sont bien améliorées, mais il reste tout de même des probabilités d’erreurs.
  • Les données qui sont lues à la volée, au premier passage, ne sont pas forcément les données exactes. En plus des problèmes à la gravure du CD, il y a le problèmes des dégâts physiques du disque: petites raies, poussière, traces de doigts…
  • Le drive — n’importe lequel, même un drive informatique — ne lit pas les CDs audio de la même manière que les CDs informatiques. C’est le drive lui-même qui se débrouille pour corriger les erreurs de lecture par des algorithmes informatiques qui font de leur mieux pour reconstituer en temps réel les données manquantes. Du coup, les données que le drive fournit au système ne sont pas forcément les bonnes. Les logiciels spécialisés dans le ripping de CDs audio peuvent être configurés en sorte qu’ils relisent un certain nombre de fois les secteurs douteux, jusqu’à avoir une lecture aussi correcte que possible.
  • En plus, les caractéristiques physiques et logiciel (le firmware) entrent en ligne de compte et le logiciel de ripping doit en tenir compte.

C’est tout cela — plus d’autres facteurs que j’ignore — qui fait que la conversion d’un CD audio en fichiers informatiques n’est pas une opération triviale.

Je suis heureux de pouvoir vous donner le résultat de mes investigations, de mes lectures, de ce que j’en ai compris… et de mon expérience.

Première approche: iTunes

Ripper avec iTunes, c’est le plus simple et c’est très pratique. Deux impératifs:

  1. Ripper en “AIFF”. C’est ce format qui assure la meilleure qualité sonore. 2
  2. Il faut activer l’option “Use error correction when reading Audio CDs” (Preferences > General > Import Settings…). Sinon, iTunes rippe très, très vite, sans se préoccuper des erreurs de lecture, ce qui fait qu’on n’est pas du tout certain d’avoir extrait les données exactes du CD. Il est possible que, la plupart du temps, on ait quand même les données exactes, mais rien n’est moins sûr. En activant cette option — ce qui ne coûte qu’un peu plus de temps pour ripper les disques — on est un peu plus du côté «sûr».

Voici à quoi ressemble la boîte de dialogue en question, correctement configurée:

Preferences > General > Import Settings

Pour mieux faire

Si l’on veut être un peu plus certain d’extraire les données “exactes” des CD audio — ce qui est impératif quand on est audiophile —, il faut avoir recours à des logiciels spécialisés. Sur Macintosh, il en existe quelques uns. Voici ceux que j’ai testés.

X Lossless Decoder (XLD) 3

C’est celui que j’ai finalement adopté, pour les raisons suivantes:

  • Il fonctionne main dans la main avec la base Accurate Rip. Cela permet, avec la grande majorité des CD, de vérifier l’exactitude de la lecture. 4
  • S’il ne trouve pas le CD dans la base Accurate Rip, il utilise des algorithmes performants pour assurer la meilleure qualité de lecture possible. En particulier, la répétition de la lecture de chaque piste.
  • En cas de CD à problèmes — oui, cela arrive —, c’est le logiciel qui se débrouille le mieux de tous ceux que j’ai testé. Non seulement il ne perd pas un temps fou sur les pistes illisibles 5, mais en plus il réussi tout de même à sortir une piste correcte, si pas exacte.
  • Il est bien assez rapide.
  • Il peut, à la demande, aller consulter différentes bases de métadonnées online. Il peut en consulter plusieurs, pour un même disque, et donne à choisir le résultat de ses recherches.
  • Il permet d’éditer confortablement les métadonnées. Si on le fait avant d’importer les pistes dans iTunes, c’est pas mal de temps gagné.
  • Il permet de convertir les fichiers d’un format à un autre. Ce n’est pas une sinécure, loin de là. J’ai testé passablement de solutions, XLD est clairement la meilleure. En particulier, il respecte les métadonnées. 6
  • C’est le seul programme — à part iTunes — qui m’a toujours donné des pistes lisibles par Amarra. Je ne sais pas ce que «bidouillent» les autres, mais j’ai eu, à l’occasion des pistes qui, lorsque je les importais dans Amarra pour la lecture à partir du cache, faisaient planter Amarra. 🙁

    Voici comment je recommande de le configurer.

XLD 1

Astuces:

  • Un dossier de sortie nommé “(XLD)”. Ainsi, par le tri alphabétique du Finder, il se retrouve en haut de la liste. C’est bien pratique pour le retrouver.
  • “Maximum #Threads”: j’ai mis 2, car j’ai un processeur quadricorps. Inutile d’aller plus haut. Je pense que c’est ainsi que l’on assure la meilleure intégrité des fichiers.
  • Très important: «If the file with the same name already exists: Rename»! Sinon, lorsqu’on utilise XLD pour convertir une série de concertos baroques, par exemple, l’allegro du deuxième concerto va écraser l’allegro du premier. Oui, j’ai fait cette (mauvaise) expérience… 🙁
  • Je demande à XLD de mettre les fichiers qu’il génère dans une “Playlist” pour me faciliter la vie: c’est là que je vais vérifier dans iTunes si les métadonnées sont complètes. Une fois que c’est fait, je supprime les pistes de cette liste. C’est une optimisation du flux de travail.

XLD 2

XLD 3

Note: j’évite de laisser XLD consulter automatiquement CDDB. Pourquoi? Parce si “XLD” y va alors que les pistes ont déjà des métadonnées correctes, ces données correctes vont être écrasées par le “garbage” de CDDB. Et oui, autre mauvaise expérience faite! 🙁

XLD 4

Très important: “Preserve unknown metadata if possible”. Pas besoin d’expliquer pourquoi.

XLD 5

Notes:

  • C’est ici, la partie critique pour extraire le mieux possible les données des CD.
  • “Read samples offset correction value”: d’après ce que j’ai compris, c’est une donnée assez essentielle, qui correspond à une caractéristique physique du drive que l’on utilise pour lire le CD. C’est une bonne idée de cocher “Set automatically if possible”. 7
  • Je ne lui demande pas de commencer immédiatement le ripping, car je préfère commencer par éditer les métadonnées! Mais si vous êtes pressés… N’oubliez pas, alors, de les éditer par la suite!

Rip

C’était mon favori, avant XLD.

  • Il est rapide.
  • Il n’est pas trop compliqué à configurer.
  • Il est interfacé avec la base Accurate Rip.
  • Si le CD que l’on rippe n’est pas dans la base, ou bien si le CRC obtenu diffère de celui de la base, le logiciel Rip recourt alors à des algoritmes de lecture très performants, à la manière de Max (ci-dessous).
  • On peut d’un seul clic importer les métadonnées d’iTunes, avant de ripper le disque. Ce qui fait qu’il est extrêmement facile d’avoir des fichiers avec au moins quelques métadonnées correctes. C’est bien agréable, même si on les améliore par la suite. Ce n’est jamais agréable d’avoir une multitude de fichiers “NoName”…

Max

  • Si on le configure correctement, il fait de l’excellent travail. Mais…
  • Je le trouve assez fastidieux à configurer. Ce n’est pas évident à faire pour un non-spécialiste, non-informaticien.
  • Pour copier les métadonnées à partir d’iTunes, il faut avoir recours à un script. Pas très élégant, ni très pratique. (Note du 10.01.2013: Ce script n’est pas maintenu et ne fonctionne plus.)
  • Il peut être très utile pour convertir les fichiers d’un format à l’autre. Mais là aussi, ce n’est pas évident si l’on n’est pas informaticien. XLD est bien plus élégant, bien plus simple et bien plus sûr, au niveau de l’exactitude du résultat.
  • Il n’est pas capable d’aller interroger la base “Accurate Rip”. Et même si l’on rippe un disque qui ne se trouve pas répertorié dans cette base, je ne suis pas convaincu qu’il fasse un meilleur travail que XLD ou que Rip.
  • Tout ceci fait que j’ai arrêté de l’utiliser et que je lui préfère XLD, de très loin.

Liens

Sur Wikipedia

Le 18 février 2017

logo Olivier Spinnler


  1. au début du CD, le DAC — rudimentaire par rapport aux standards actuels — était intégré au lecteur. 
  2. On peut utiliser, à la rigueur, le format “Apple Lossless”, si l’on tient absolument à économiser de l’espace disque. Mais au prix actuel des disques durs, je n’en vois pas l’intérêt. Ce n’est que sur les appareils portables que l’on peut avoir envie d’économiser de la place, avec un petit compromis sur la qualité sonore. Il est intéressant de savoir que l’on peut convertir le “AIFF” en “Apple Lossless” n’importe quand, sans perte de données. 
  3. la page web de XLD 
  4. Chaque fois que quelqu’un rippe un disque avec un programme qui est connecté à cette base, un «nombre caractéristique» (un CRC, pour les techniciens) est stocké dans la base pour chaque piste audio rippée. Si le CRC obtenu avec son disque personnel est le même que celui d’autres utilisateurs, on peut être assez sûr d’avoir effectivement une copie «bit perfect». Cette comparaison se fait pour chaque piste. 
  5. Avec des CD très endommagés, ou très mal pressés, les autres programmes peuvent essayer, essayer, ré-essayer pendant des heures. Les lecteurs de salon déclarent souvent le disque «illisible» bien avant. Dans bien des cas, XLD m’a sauvé. 
  6. Exemple de problème: Si l’on utilise iTunes pour convertir en “AIFF” un fichier “Apple Lossless” 24 bits / 96 K , on a la désagréable surprise de se retrouver avec un fichier 16 bits / 96 K. iTunes a carrément éliminé des données! Autre problème: beaucoup de programmes de conversions de fichiers audio perdent les métadonnées. XLD est celui qui en conserve le plus — y compris celles du champ “Grouping” d’iTunes. C’est extrêmement précieux. 
  7. Il existe une procédure assez complexe pour déterminer cette “Read samples offset correction value”. Elle implique l’utilisation d’un programme spécial, avec un CD «de référence», c’est-à-dire un CD testé et caractérisé par les spécialistes. Il existe aussi une base de donnée des mécaniques du commerce qui donne cette information. Il faut aller chercher dans “Disk Utility” la description exacte de sa mécanique. Tout cela est plutôt technique. Je m’y suis attelé et j’ai été soulagé de constater la concordance de toutes les méthodes. Et surtout, j’ai été très soulagé de constater que XLD lui-même proposait la même valeur, une fois cochée la case “Set automatically if possible”. Comme quoi, une innocente coche a de grands effets. Je pense probable que “XLD” fait lui-même un test du drive et / ou va interroger la base de données à laquelle je faisais allusion plus haut.