À propos du “jitter”

De quoi s’agit-il?

(Entre parenthèses, pour les francophones puristes, le terme français serait gigue 1.)

Lorsque des données sont écrites sur (ou bien lues à partir d’) un disque dur ou une mémoire électronique, il s’agit d’une succession de 0 et de 1 — les bits. Quand il s’agit de texte ou d’image, peut importe le rythme de ces données: si la transmission est momentanément intérompue ou accélérée ou ralentie, tant qu’on a toutes les données, dans le bon ordre, on a l’intégrité des données: le texte est lisible, l’image est parfaite. Mais dans le cas du son, ce n’est pas suffisant. Les 0 et les 1 représentent une onde, dont la forme est définie dans le temps. Pour atteindre la perfection sonore, les données numériques doivent arriver au convertisseur numérique-analogique (le DAC proprement dit) dans une succession temporelle parfaitement régulière; idéalement, avec une précision d’horloge atomique. Tout décalage temporel des données va occasionner une déformation du signal analogique, c’est-à-dire de la musique. C’est ce décalage temporel que l’on appelle le jitter. En informatique, assurer l’intégrité des données numériques indépendamment du timing, c’est facile et pas cher — c’est pourquoi les disques durs ne sont plus très couteux, de nos jours. En revanche, assurer une perfection temporelle des données, surtout au niveau requis pour l’audio, c’est une toute autre paire de manches! Surtout lorsque l’on sait que les interfaces de nos ordinateurs de bureau ne sont absolument pas prévues pour tenir compte de ce paramètre.

Au final, discuter de la qualité des interfaces numériques et des liaisons entre ordinateur et DAC, c’est discuter de l’efficacité des mesures «anti-jitter».

Voici un petit résumé au sujet des qualités des différentes solutions. Il va sans dire que chacune des affirmations que je vais faire peut être plus ou moins contredite par l’un ou l’autre spécialiste. Néanmoins, j’ose affirmer que ce que je dis est un résumé d’un certain consensus parmi les dits spécialistes. J’ai également personnellement testé un certain nombre de solutions — matérielles et logicielles — et je parle, en bonne partie, d’expérience.

Liaison optique Toslink

La sortie Toslink est reconnue pour être particulièrement «pas soignée» en terme de jitter. Expérience faite, le son qui en sort n’est vraiment pas terrible. Cette liaison a tout juste le mérite d’exister et d’être bon marché. À éviter, si ce que vous désirez c’est un son de haute qualité. Et c’est certainement ce que vous recherchez, si vous consultez ce site, n’est-ce pas?

Liaison USB directe

La majorité des DAC actuels, en particulier ceux d’entrée et de moyenne gamme, sont équipés d’une prise USB. Quelques points à prendre en considération:

  • Mauvaise nouvelle: le câble USB a une influence sur la qualité du son. C’est tout à fait bizarre et contre-intuitif pour toute personne qui croit que le seul paramètre qui importe, c’est l’intégrité des données numériques (le côté “bit perfect” des choses). Mais il se trouve que les interférences électromagnétiques de toutes sortes — et dieu sait s’il y en a, dans et autour des ordinateurs et de tous les transformateurs qui les accompagnent — interviennent dans le phénomène du jitter. Par conséquent, utiliser un câble au blindage soigné, c’est tout bénéfice pour le son. Il est probable qu’un câble USB à 1’000.– ou plus, c’est soit du snobisme, soit de l’arnaque, ou bien les deux. Mais, expérience faite, un câble à 200.– (Cardas hi-speed) apporte une réelle plus-value sonore, même sur un DAC d’entrée de gamme, par rapport aux câbles informatiques «standards».
  • Il va sans dire qu’il faut utiliser une sortie USB de l’ordinateur lui-même, directement, sans passer par un hub. Le hub amène des interférences électromagnétiques et d’énormes quantités de jitter, puisqu’il fait ce qu’il veut avec les données qu’il reçoit pour les répartir entre tous les périphériques qui lui sont connectés. À proscrire absolument!
  • Toutes les sorties USB ne sont pas égales. C’est peut-être du pinaillage, mais j’ai pu constater une (petite) différence (de son) entre un ordinateur portable (un MacBook Pro) et un ordinateur de bureau (un iMac) en configurations équivalentes. Après tout, l’USB est un bus de données. S’il y a plusieurs «devices» sur ce bus, pas étonnant que les données audio soient sujettes au jitter. Sur l’ordinateur portable, il y avait sur le même bus que les deux prises USB, soit le clavier, soit la caméra vidéo pour la visio-conférence. Tandis que sur l’iMac, j’ai pu trouver une prise USB totalement libre et donc totalement dédiée à la liaison avec le DAC. 2
  • Le problème de la pollution électromagnétique n’est pas un petit problème. En hifi, plus on monte en gamme, plus les blindages électromagnétiques sont soignés et c’est justement cela qui fait une bonne partie du prix des appareils. Comme l’USB est prévu pour alimenter en courant des périphériques (souris, disques durs mobiles, scanners, etc.), on peut dire que la pollution électromagnétique est prévue dans la norme! C’est pour cela que certains fabriquants (Bel Canto, Naim, notamment) ont carrément renoncé à équiper leurs modèles haut de gamme d’une entrée USB. Sinon, il leur faudrait soit augmenter le prix pour contrôler ce problème, soit accepter une qualité moindre du résultat sonore sur cette entrée. Ce qui n’est pas compatible avec la philosophie «sans compromis» d’un appareil qui se veut «de référence». La preuve de ce fait est que, sur les appareils qui sont équipés à la fois d’une entrée USB et d’une entrée S/PDIF, le son est systématiquement moins bon sur l’entrée USB que sur l’entrée S/PDIF — du moins tant que l’on prend des précautions pour amener un signal de qualité à l’entrée S/PDIF. (Voir ci-dessous) Ce n’est pas forcément beaucoup moins bon, mais quand même suffisamment pour que cela vaille la peine de faire l’effort (financier) d’aller sur l’entrée S/PDIF.

Le 18 février 2017

logo Olivier Spinnler


  1. C’est le nom d’une danse médiévale. Les anglophobes préféreront utiliser ce mot. Quant à moi, je ne suis pas sûr qu’utiliser ce mot soit vraiment moins barbare que de parler de jitter. J’irais même jusqu’à dire que je trouve un tantinet précieux de parler de «gigue» à propos d’un signal numérique. 
  2. Il est possible que la différence que j’ai entendue tienne à d’autres paramètres, tels que le rayonnement électromagnétiques des dits appareils ou l’efficacité de leur bus mémoire. Il n’empêche, je trouve cette explication du bus USB plausible et, de toute façon, tous les effets s’ajoutent les uns aux autres.